Après la pénurie et la flambée, le bois se stabilise.
A l’heure où la COP26 vient de s’achever à Glasgow, avec les décisions que l’on sait en matière de maintien des forêts en croissance et de décarbonatation de la société, il y a lieu de se demander si ces accords sont compatibles avec un marché de la construction bois en forte croissance et les tensions sur la disponibilité et les prix de ce nouvel « Or vert » qui en découlent.
Un premier point à signaler est qu’au niveau mondial, la surface forestière est en perte annuelle de 4,7 millions d’hectares. Soit 0,11 % de la surface forestière mondiale évaluée quant à elle à 4,06 milliards d’hectares. Cette déforestation est d’abord fortement marquée en Amérique du Sud où l’évolution de la dernière décennie est cependant très favorable et provient d’une amélioration de la gestion forestière. En Afrique, par contre, l’érosion du massif forestier s’accroît de décennie en décennie. Les autres continents sont à l’équilibre ou en croissance annuelle.
Et l’Europe dans tout ça ? Sa forêt croît et il convient de le souligner. Sur les 25 dernières années, la surface forestière y a progressé de 8 %. Parallèlement, la productivité de la forêt a également fortement augmenté ces 30 dernières années puisqu’elle est passée d’une croissance annuelle de 129 à 169 m3/ha[1]. Ces deux facteurs nous donnent une croissance annuelle moyenne du volume de bois disponible de 1.400 millions de m3. Si nous comparons la croissance annuelle du volume de bois avec le prélèvement effectué pour l’exploitation forestière, nous arrivons à une utilisation de 73%[2] de ce que la nature renouvelle annuellement. Malgré l’évolution de la demande constatée chaque année, l’Europe est en reforestation.
[1] Source : CEPI EU Forest-Based Industries 2050 // [2 ]Source: State of Europe’s Forests 2020
La construction bois massive utilise principalement des essences résineuses avec l’épicéa (Picea Abies) et le sapin (Abies). Ces résineux représentent en moyenne plus de 50 % du volume des forêts avec une part de 75 % dans les pays scandinaves. L’industrie des panneaux à base de bois (panneaux de fibres, panneaux de particules, panneaux OSB, panneaux contreplaqués) utilisent autant de résineux que de feuillus. Il convient toutefois de noter que la construction bois dans son ensemble utilise moins de 30 %[3] du volume prélevé dans les forêts, le solde allant dans d’autres domaines tels que l’industrie du papier, l’ameublement et l’emballage. La ressource est donc disponible sur le Vieux continent. Plus localement, c’est-à-dire dans « La Grande Région » (500 km entre Allemagne, Belgique, France et Grand-Duché de Luxembourg), nous sommes dans les mêmes ratios. Un bémol : certaines régions sont de moins bons élèves et récoltent énormément de bois.
[3] Source : Ministère de l ’Agriculture et de la Forêts Français.
La question que l’on peut alors se poser est la suivante : pourquoi a-t-on dû faire face à des pénuries ou à des ruptures d’approvisionnement ces derniers mois ? Les acteurs de la filière bois se composent comme suit : la sylviculture (propriétaires), la première transformation (scieries) et la deuxième transformation (BLC, CLT, KVH, panneaux…). La sylviculture n’a subi aucune tension car la ressource est présente. La première transformation a été au centre de toutes ces tensions. Quant à la seconde transformation, elle a subi les conséquences de manière décalée. Fin 2019, les Etats-Unis ont mis en place une taxe de 20% sur l’importation des bois provenant du Canada. Conséquence immédiate : une augmentation en flèche du prix de la planche de bois (multipliée par quatre, entre avril 2020 et juin 2021), matière première principale du secteur de la construction individuelle de ce pays. Parallèlement à cette décision, la reprise d’après confinement a été très rapide et la demande globale en bois a été soudaine.
Autre conséquence : les outils de production, à savoir les scieries, n’avaient plus assez de stocks ou elles avaient ralenti leurs productions pendant la crise du covid et n’ont pas pu réagir assez rapidement une fois que la demande a redémarré. Vu la demande forte et le prix très élevé, les scieurs européens ont préféré exporter leur production vers les Etats-Unis, provoquant ainsi une pénurie et une augmentation fulgurante des prix en Europe également. Le paradoxe était clair : le prix de la grume était stable mais le produit transformé (sciage) était vendu trois fois plus cher… Ceci a provoqué, de manière décalée de quelques mois, une forte augmentation des prix des produits transformés provenant de ces planches ( ex : KVH = Konstruktionsvollholz, Bois massif de construction).
Cependant, la flambée des prix a été temporaire aux Etats-Unis et s’est arrêtée très rapidement puisque de la mi-mai à la mi-août 2021, les prix sont retombés à un niveau d’avant crise (2019). On l’aura donc compris : les tensions sur le marché international du bois ne proviennent pas d’un manque de ressource mais bien de spéculations ayant eu deux déclencheurs (la taxe et la reprise rapide ). En Europe, les prix chutent depuis la fin des vacances d’été mais ils ne redescendront pas au niveau de début 2020 car on constate un effet de rattrapage sur des prix qui étaient stables depuis plusieurs années (2008-2020).
Ce rattrapage se ressent déjà sur les récentes ventes de bois sur pied (entre 20 et 30 €/m3 ).
Ceci devrait maintenir le prix des éléments massifs (CLT/BLC) d’au minimum 150 €/m3 plus élevé que par le passé, soit environ 35 % d’augmentation par rapport à 2020. Cette augmentation est similaire à d’autres matières premières comme l’acier.
En conclusion, si le prix du bois a bien flambé pendant un moment, le marché tend désormais à se stabiliser et l’on note même quelques baisses de prix sur les produits transformés. Reste à voir l’influence qu’aura le printemps, une période, on le sait, propice aux travaux d’aménagement et autres, et donc à une nouvelle augmentation de la demande. Les prix risquent d’augmenter à nouveau mais dans une proportion nettement moindre que celle connue ces derniers mois.
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